jeudi 25 janvier 2018

Résister | Dialogue avec Zab Maboungou

« Il y a, dans tout acte de création, quelque chose qui résiste et s’oppose » (Deleuze)

La danse résiste-t-elle encore ? Résister à quoi ? À qui ? Résister comment ?
Être artiste aujourd’hui, est-ce déjà en soi un acte de résistance ?
 
Parler à Zab, c’est comme rencontrer Socrate.
Elle t’écoute en souriant.
Puis, en une question, elle a l’art de te faire douter.

« La danse est une manière de poser des questions et d’y répondre »

De formation philosophique, elle a la dialectique dans le corps. Depuis toujours, la danse représente pour elle « une manière de poser des questions et d’y répondre ».

« Quand je pense, je me sens en mouvement, et quand je bouge, je me sens en train de penser »

À travers son œuvre et son implication dans le milieu, Zab incarne une figure qui, dans le paysage chorégraphique québécois, résiste depuis plus de 30 ans aux stéréotypes et à la facilité.

« Explorer, c’est se mettre en question »
Danseuse, philosophe, chorégraphe, enseignante, auteure, mentor, son travail et son engagement à la fois artistique et politique témoigne de sa pugnacité.

Tout en assumant le prisme de l’afro-descendance, son œuvre tend à libérer la danse dite « africaine » de ses stéréotypes (néo)coloniaux en s’inscrivant radicalement dans la complexité de sa contemporanéité. L’auteure et chercheure américaine Ann Cooper Albright (Choregraphing Difference, 1997) a souligné à ce titre son « identité performative », en mouvement constant, notamment à travers sa relation dialectique avec la musique.


Gestes Délibérés
: Zab Maboungou/Compagnie Danse Nyata Nyata.

« À 12 ans, j’ai décidé que la danse serait mon arme »
Outre sa compagnie de création Nyata Nyata et le studio du même nom, Zab Maboungou a fondé le Programme d’Entraînement et de Formation Artistique et Professionnel en Danse (PEFAPDA), un programme de formation pluridisciplinaire et pluriculturel de l’art de la danse et de la musique. Son enseignement est basé sur les « rythmicultures » héritées des traditions africaines et la technique Rypada (rythmes, postures et alignement pour la danse) qu’elle a conçue entre autres autour du souffle.

« Entrer sur scène, c’est tout sauf anodin »
Elle a publié en 2005 un ouvrage intitulé Heya Danse ! Poétique, didactique et historique de la danse africaine : « L’Afrique, continent des ancêtres, est devenu le continent du retour. C’est ce dont semble témoigner cet art de la danse, cet art venu d’Afrique, qui rayonne aujourd’hui un peu partout dans le monde. La danse d’Afrique est, ainsi, glorieuse et ancienne mais elle est aussi indéniablement marquée du sceau de la modernité ; dégagée de son contexte ethnique traditionnel par le simple fait d’être "mise en scène" puis "enseignée", la danse africaine a intégré le champ moderne de la confrontation interethnique. »

Après avoir mené le combat d’une vie pour la reconnaissance et l’inclusion de la pluralité des pratiques, la chorégraphe signait en septembre 2017 un texte cinglant où elle dénonce le manque flagrant de « diversité culturelle » dans un pays pourtant paradoxalement fondé sur le multiculturalisme. La créatrice y pointe au contraire « l’oblitération de l’autre » dans un « déni bienveillant » et nous invite à repenser urgemment le processus d’encadrement de cette "diversité", à commencer par son système éducatif et la réelle représentativité des cultures (et expertises) concernées.

RÉSISTER
Atelier proposé par Katya Montaignac en dialogue avec Zab Maboungou
Vendredi 2 février 2018 au studio Nyata Nyata (4374, Bd St-Laurent - coin Marie-Anne - 2e étage)
de 9h30 à 12h30
(Possibilité d'assister à des séances à la carte)
Détails et informations

À lire : Résister | Réflexions en partage
(traces de l'atelier Regards critiques sur la danse avec Zab Maboungou)

Liens :
Chorégraphe et philosophe en mouvement perpétuel, André Lavoie, Le Devoir, 28 mars 2015
Philosophie et danse au rythme de Zab Maboungou, Alain Lallier, Portail du réseau collégial, 14 octobre 2013
Zab Maboungou, un sacré souffle, Zora Aït el-Machkouri, mars 2014, jeuneafrique.com
Choreographing Difference : Ann Cooper Albright, 1997.
La diversité culturelle ou l’orchestration de l’insensibilité à l’autre, Échos du milieu, site du RQD, septembre 2017. [traduit en anglais dans The Dance Current]
L’art de l’improvisation dans la danse africaine, Zab Maboungou, Revue noire, juin-juillet-août 1997.
The body and Indentity in Contemporary Dance, Choreographing Difference, Ann Cooper Albright, 1997.

mercredi 17 janvier 2018

Je me souviens... | par Philip Szporer

La danse dans la culture populaire...
Comment la danse entre dans notre quotidien ?
Quels sont nos premiers souvenirs de danse ?

En prévision de notre prochaine séance, Philip Szporer, qui en sera l'invité, s’est prêté à l’exercice :

"I would say that music more than dance was present in our home. My mother's side of the family was steeped in music – my grandfather was a cantor from time to time, my aunt sang, my mother played the piano. That was the norm. Dancing was not really very present.

If I think back to my childhood (I was born and raised in Montréal), it's only when we met for big family events and celebrations that people started to dance – mainly Jewish folk-type dances.

Membres du New Dance Group
Improvisation, 1932
(New Dance Group Collection, Library of Congress)
What’s interesting is that there was a political and socialist edge to the family, and I remember all kinds of discussions about labour unions, and some relatives talking about work-based dance and recalling the Workers Dance League and the New Dance Group of the '30s and' 40s (both based in New York). That got people’s minds and feet moving!"

« La musique plus que la danse était présente chez nous. La famille de ma mère était imprégnée de musique – mon grand-père était cantor de temps à autre, ma tante chantait, ma mère jouait du piano. Chez nous, c'était la norme.

Si je repense à mon enfance (je suis né et j'ai grandi à Montréal), ce n’est que lorsque nous nous réunissions pour de grandes occasions familiales que les gens se mettaient à danser – principalement des danses folkloriques juives.

Ce qui était particulièrement intéressant, c'était le côté politique et socialiste de ma famille. Je me souviens de discussions sur les syndicats et certains proches parlaient de danses basées sur le travail, la Workers Dance League et le New Dance Group dans les années 30 et 40 (tous deux basés à New York). Cela a fait bouger les esprits et les pieds des gens ! »

À propos du New Dance Group :
un essai de Victoria Phillips
et un ouvrage en français (de la même auteure)
Dance is a weapon (Cnd, 2008)

DANSE ET CULTURE POP
Atelier proposé par Katya Montaignac en dialogue avec Philip Szporer
vendredi 16 février 2018 à l'Espace Sans Luxe
1838 Rue Amherst
de 9h30 à 12h30
(Possibilité d'assister à des séances à la carte)

À travers un survol historique, Philip Szporer analysera comment le corps dansant est représenté dans la culture populaire, en particulier au cinéma et dans l’imagerie publicitaire. Nous nous interrogerons également sur l'incidence de la culture populaire dans la création chorégraphique contemporaine, sur son pouvoir de séduction ainsi que sur son potentiel de déconstruction. Il s'agira alors de questionner les patterns, symptômes et enjeux qui en découlent.

Emmanuel Gat : Sacre (2004)
pièce récompensée en 2006 par un Bessie Award


Philip Szporer © Christopher Duggan
Philip Szporer est engagé, depuis plus de 30 ans, dans l’univers de la danse canadienne. Il enseigne au département de danse contemporaine de l’Université Concordia. Philip est également un chercheur invité au Jacob’s Pillow Dance Festival. En 2001, Philip a cofondé avec Marlene Millar la compagnie de production cinématographique sur l’art, Mouvement Perpétuel. Ensemble, ils ont coréalisé et produit de nombreux documentaires et courts-métrages sur la danse, dont la série CRU mettant en lumière les artistes de la culture de la danse urbaine à Montréal [cf. Atelier #1]. Pendant plus de 20 ans, Philip fut journaliste pour CBC Radio et chroniqueur pour l’émission radio "Aux arts, etc." de Radio-Canada, ainsi que correspondant pour The World (BBC/WGBH-Boston). Ses écrits sur la danse furent publiés, entre autres, dans Hour, The Dance Current, Ballettanz, Tanz et Dance Magazine. Philip offre aussi des ateliers d’écriture et donne des conférences à travers le Canada, aux États-Unis, et en Europe.

Consultez les articles de Philip Szporer dans The Dance Current