Mes premiers
spectacles de danse ont définitivement été les plus marquants. J’étais alors profane
et assoiffée, du haut de mes 18 ans, de toutes nouvelles sensations fortes. Comme
un enfant qui vit pour la première fois une émotion, elle sera extrême. Ensuite, il va
apprendre à la reconnaître et à l’apprivoiser.
Danse de nuit - chorég. : Karine Ledoyen Danseurs : Odile-Amélie Peters et Fabien Piché Production Danse K par K © 2016 |
Mon esprit s’attachait
comme une liane à mon corps, assise sur le bout de mon siège, je me projetais
dans ce que je voyais. Je ressentais la légèreté ou la pesanteur du danseur,
j’appréciais la trace des mouvements dans la lumière, j’aimais le silence où le
souffle du danseur et le mien se géminaient, j’aimais l’attente, l’impromptu de
l’émotion dans ma poitrine et surtout la fascination à ne pas l’expliquer.
Aujourd’hui, je
reconnais cet état lorsque j’entends un spectateur parler après la
représentation et qu’il décrit combien il a été touché ou troublé.
Avec le temps, ma
grille d'analyse s’est complexifiée. Je m’embourbe dans mes propres réflexions.
Je me positionne par rapport à mon travail et mes préoccupations artistiques.
Il m’est impossible de retrouver cet état brut pour recevoir un spectacle de
danse. C’est désormais un privilège d’avoir accès à la scène, de côtoyer
l’intelligence et la sensibilité de mes pairs, danseurs, collaborateurs,
d’essayer de saisir la scène et ses rouages et de pousser ses limites.
Karine Ledoyen dans La Nobody (offta 2011) (créé avec Mélanie Demers) © David Cannon |
Mon désir d’aller voir
et revoir la danse réside dans le rôle majeur que l’art joue dans ma
vie. Les spectacles me marquent si j’accepte de me laisser déplacer.
En tant que
spectatrice professionnelle, je sais anticiper, reconnaître les types de
gestuelle, comprendre les ruptures, les bascules, comprendre le concept, analyser
l’ensemble... Je dois alors me déprogrammer pour recevoir un spectacle de
manière brute. Être en présence d’un objet artistique dont je ne reconnais
aucun code, qui teste mes limites de spectatrice tout en m’offrant assez de
signes pour me faire travailler et idéalement se prolonger dans les heures et
les jours qui suivront. Je veux participer à l’œuvre, la faire naître et la
sublimer.
Karine Ledoyen
Québec, juin 2017
(retouchée entre Québec et Montréal en novembre 2017)
Québec, juin 2017
(retouchée entre Québec et Montréal en novembre 2017)
Découvrir d'autres Regards sur la danse :
Le vertige d'un Tête-à-Tête | par Sophie Corriveau
Jamais je n’ai espéré qu’ils se mettent à danser | par Mélanie Demers
Laisser voir des humains | par Frédérick Gravel
Plonger dedans | par Dena Davida
Des yeux qui transpercent l’espace | par Marie Mougeolle
I’m sure you are looking at us | par Katya Montaignac
Cogitations sur le travail du danseur | par Brice Noeser
Danser la nymphe | entrevue avec Enora Rivière
Être punk en danse contemporaine | par Sylvain Verstricht
À deux doigts de la mort | par Claudia Chan Tak
Regarder la danse | entrevue avec Robert St-Amour
Jamais je n’ai espéré qu’ils se mettent à danser | par Mélanie Demers
Laisser voir des humains | par Frédérick Gravel
Plonger dedans | par Dena Davida
Des yeux qui transpercent l’espace | par Marie Mougeolle
I’m sure you are looking at us | par Katya Montaignac
Cogitations sur le travail du danseur | par Brice Noeser
Danser la nymphe | entrevue avec Enora Rivière
Être punk en danse contemporaine | par Sylvain Verstricht
À deux doigts de la mort | par Claudia Chan Tak
Regarder la danse | entrevue avec Robert St-Amour